Julien Hilarion Roux, né à Marseille le 7 juillet 1819, communément désigné par son second prénom, a joué un rôle majeur dans les deux sociétés successives d’exploitation des ressources minières du Laurium. Il est un des fils de Joseph Hilarion Roux, désigné sous le seul prénom de Joseph, commis de banque qui a connu une ascension spectaculaire jusqu’à devenir associé en 1834 de Jacques Fraissinet dans la maison de banque Fraissinet et Roux. Au décès de Jacques Fraissinet, en 1837, l’association avec la famille Fraissinet est confirmée, sous le nom de Roux de Fraissinet. La maison entretient des liens étroits avec les Rothschild de Paris, dont elle est le principal correspondant à Marseille, notamment pour le négoce de métal monétaire. Hilarion a été formé au collège dominicain de Sorèze, dans le Tarn, qui accueille alors la plupart des enfants de l’élite économique de Marseille. Au début de 1843, Joseph Roux envoie son fils dans le Sud-Est espagnol pour capter à la source le métal monétaire du bassin argentifère, récemment découvert, d’Almagrera. Hilarion ne réussira que très partiellement sa double mission, de développement de la maison familiale et de service des Rothschild, mais, après quelques années, son implantation à Carthagène produit deux effets durables. Le premier est une insertion dans la nouvelle économie du plomb, fondée d’abord sur le traitement de matières pauvres, surtout de la sierra voisine : Roux devient exploitant minier et industriel du plomb, acquérant, au terme de tâtonnements multiples dans sa fonderie d’Escombreras, une vraie expertise, reconnue y compris par les techniciens. Le second effet, moins marginal qu’il ne paraît, est son mariage, dès l’automne 1843, avec une jeune fille, Trinidad de Aguirre, fille d’un officier de marine en retraite. Deux frères de celle-ci, Simón et Eduardo, vont jouer un rôle, décisif, de représentation d’Hilarion sur les différents lieux de ses activités, à Carthagène pour Simón, au Laurium surtout, mais aussi à Marseille même, dans le cas d’Eduardo.
Hilarion Roux quitte définitivement Carthagène durant l’été 1854 pour revenir à Marseille, mais il maintient et développe même ses intérêts miniers en Espagne, où il est représenté par son beau-frère Simón. Sa réussite et son habileté, avant et surtout après le soulèvement cantonaliste de 1873, lui valent d’être anobli en 1875 avec le titre de Marquis de Escombreras. A la mort de son père, en 1858, Hilarion Roux accède à la direction de la banque Roux de Fraissinet. Son dynamisme et sa prudence conduisent à sa nomination, en janvier 1865, au poste d’administrateur de la succursale marseillaise de la Banque de France.
Les deux faces de son activité, la mine et la banque, lui valent d’être sollicité en 1863 par Jean-Baptiste Serpieri pour la création, en 1864, d’une société d’exploitation des scories antiques issues du traitement du minerai argentifère du Laurium, La Société métallurgique du Laurium (Hilarion Roux & Cie), créée en 1864 à Marseille. Le banquier peut investir et mobiliser son réseau – en l’occurrence surtout la banque « grecque » Rodocanachi. L’industriel est un expert du traitement des carbonates, des matières pauvres. Après l’affaire des « ecvolades », la société cède ses activités à une compagnie grecque, la Société des usines métallurgiques du Laurium, Roux reste présent en Grèce, par la création, en 1875, toujours aux côtés de Serpieri, de la Compagnie française des Mines du Laurium.
À partir de 1875, Roux réside à Paris, renonçant à ses fonctions à la succursale marseillaise de la Banque de France. Il continue à multiplier les initiatives, industrielles ou minières. Pour l’industrie, la création la plus singulière est une société de production d’explosifs, La Forcite. Dans le domaine minier, les faits marquants se situent en Espagne avec, à la fin des années 1860 l’implantation sur le riche bassin plombifère de Mazarrón, à l’ouest de Carthagène puis, au cours de la décennie suivante un rôle pionnier dans l’exploitation du gisement houiller de Puertollano, dans la province de Ciudad Real et une prise de position cachée dans le Coto La Luz, dans le grand bassin plombifère de Linares. En 1877, il transfère la plupart de ses intérêts miniers et métallurgiques espagnols à la Compagnie des mines et usines d’Escombreras, dont il est le principal actionnaire et le président. Au début de 1882, du fait du refus de l’État grec d’autoriser la mutation de propriété des concessions, il échoue dans son projet de grande société réunissant la Compagnie française des mines du Laurium, Escombreras et ses autres intérêts plombifères espagnols, Finalement, la fusion se limite aux intérêts plombifères de Roux en Espagne, avec la création de Escombrera-Bleyberg en juin 1882.
Roux engage aussi la banque Roux de Fraissinet et derrière elle nombre de membres de la famille Fraissinet-Baux-Baccuet, dans des affaires de négoce à l’échelle du monde, tout particulièrement dans l’Océan Indien. La banque Roux de Fraissinet fait faillite à l’automne 1883, du fait de ses importants engagements financiers dans cette région, compromis par l’intervention militaire française à Madagascar, et surtout du déséquilibre, notamment financier, des affaires de Roux dans la minéro-métallurgie du plomb. Néanmoins, aucune des entreprises, minières ou industrielles, créées par Hilarion Roux, n’est emportée par la faillite. Hilarion Roux continue à résider à Paris, d’où il entreprend le sauvetage des lambeaux discrets de son patrimoine espagnol. Soutenu par diverses solidarités, surtout familiales, il parvient à éviter la faillite de sa maison de banque personnelle à Carthagène et à maintenir, pour lui et sa famille, une image positive forte dans la cité. Avec l’accord des créanciers actionnaires, il conserve une présence institutionnelle au sein de Puertollano et d’Escombrera-Bleyberg. Ses beaux-frères et ses neveux prolongent localement une présence de responsabilité opérationnelle.
Hilarion Roux fut le père de trois enfants, Elodie (appelée communément Anita), Trinidad et Joseph, tous nés à Carthagène. Elodie, veuve depuis 1872 de Henri Baillehache-Lamotte, d’origine normande, avec qui elle a eu deux enfants, Robert et Alfred, décède en juillet 1979, un mois après son remariage. Trinidad épouse à Marseille, en février 1867, Alexandre Horace Warrain. Elle décède en novembre de la même année, à la naissance de son fils, François. Trinidad et Hilarion Roux se retrouvent tuteurs des trois enfants de leurs filles. François Warrain, juriste et philosophe, épouse Alix Baillehache – Lamotte. La fille de ces derniers, Suzanne, née en 1889, épouse en 1907, Léon Cyprien-Fabre, né à Marseille en 1885. Joseph épouse en 1879 une Equatorienne dont il se sépare au cours de la décennie suivante. Ils ont une fille, Marie-Marcelle, née en 1881. En dépit des efforts paternels pour l’intégrer dans ses affaires, Joseph se révèle incapable d’assumer des responsabilités. Sa vie personnelle est émaillée d’incidents et déboires financiers. Sous ses second et troisième prénoms, Ange Hilarion, il devient père, en 1895 en Belgique, hors mariage, de Marie Joseph Roux d’Escombrera, mort devant Verdun le 7 mars 1916.
Hilarion Roux décède le 27 juillet 1898. Son acte de décès fait apparaître la seule mention « ingénieur », comme si l’ingénieur autodidacte et autoproclamé effaçait la tache du capitaliste ruiné. Le titre de marquis d’Escombreras a été « relevé » en 1988 par Albert Fabre, né en 1919, fils de Suzanne Warrain et Léon Cyprien-Fabre.