Société de Constructions des Batignolles

La Société de Constructions des Batignolles (SCB), une des plus grandes entreprises françaises de travaux publics fondée en 1846 par Ernest Gouin, a joué un rôle actif dans la construction des infrastructures en Grèce pendant trois décennies. Son activité dans ce pays fut inaugurée en 1900, lorsque le Eastern Railway Construction Syndicate, créé par la SCB et la banque Erlanger et Cie, obtint la concession de la construction de la voie ferrée qui devait relier le Pirée à la frontière ottomane. Entamée initialement par un groupe anglais déclaré caduc en 1893, cette ligne fut alors abandonnée à cause de la faillite de l’Etat. Suivant les clauses de la convention signée avec le gouvernement Theotokis en 1900, le Syndicat a créé la Société des Chemins de fer Helléniques (SCFH) ; les travaux devaient être financés par un emprunt obligataire de l’Etat grec, le coût total étant estimé à environ 45 millions de francs.

Dès le début, les facteurs géopolitiques ont pesé lourd sur le sort de l’ouvrage, avec pour principale conséquence un allongement des délais et une durée de 15 ans pour son achèvement. L’émission des obligations a été reportée à plusieurs reprises car la guerre du Transvaal perturbait les marchés financiers. Ainsi, les travaux n’ont-ils commencé qu’en 1902. Une série de tunnels et viaducs (comme ceux d’Assopos, étudié par Paul Bodin, et de Bralo) sur un terrain très accidenté ont compliqué et retardé les opérations. La SBC confiait diverses parties des travaux à des sous-traitants locaux, supervisés par des ingénieurs français. L’ingénieur Charles Barbière a assumé la direction de l’ensemble de la ligne Le Pirée-Larissa, et Louis Fleury celle de la ligne de jonction à partir de 1916. L’ingénieur Pierre Mouret a été le représentant de la SBC à Athènes.

Après l’achèvement de la dernière partie, entre Larissa à Papapouli, la ligne, d’une longueur de 394 km et de 1.44 m de large, a été ouverte à l’exploitation en mars 1909. À cette époque, les pourparlers entre l’Etat grec et la Porte, concernant la jonction avec le réseau ferré ottoman (la ligne Salonique-Monastir) et entamés dès 1905, semblaient avoir abouti à un consensus, mais l’arrivée des Jeunes-Turcs au pouvoir a changé la donne. Le tracé de la ligne de jonction (Papapouli-Platy) est devenu un enjeu capital, les Turcs voulant éviter la liaison directe avec Thessaloniki, la ville convoitée. La question a été tranchée par l’annexion de la Macédoine à la Grèce après les guerres balkaniques de 1912-1913.

Début 1914, la SCHF a été rachetée par l’Etat et une nouvelle convention a été passée entre le gouvernement Vénizélos et la SCB pour la construction de la ligne de jonction, de 90 km et pour un coût total prévu à 12 millions de francs. Mais la Première Guerre mondiale a encore une fois entravé les opérations. L’impossibilité d’importer les pièces métalliques nécessaires a imposé la construction du pont d’Aliakmon en bois et la mobilisation du personnel grec (septembre 1915) a arrêté les travaux pendant quelques mois. Enfin, en mai 1916, le matériel roulant a été confisqué par l’Armée d’Orient. Pressée de se retirer d’une situation difficile, la SCB a abandonné les lieux en octobre 1916, laissant la pose des derniers rails aux soins de l’armée grecque. Si l’importance stratégique de la ligne a été démontrée au cours de la guerre, son utilisation abusive pour des transports lourds a provoqué des dégâts, ce qui a nécessité des travaux de rénovation, confiés en 1925 par le dictateur Pangalos à la Société Commerciale de Belgique.

Au cours de cette longue période, les hommes de la SCB ont eu l’occasion de nouer des liens utiles avec des personnes bien placées dans l’administration et les milieux techniques en Grèce, notamment avec le ministre des Transports du premier gouvernement Vénizelos, Dimitrios Diamantidis, lui-même ingénieur. Ainsi la SBC a-t-elle été presque automatiquement impliquée dans les projets des nouvelles voies ferrées, lancés par ce gouvernement en 1914. Mais ces projets (lignes Kalabaka-Kozani, Kalabaka-Ioannina et Kozani-Veroia) ont été abandonnés par la suite à cause des perturbations politiques en Grèce (Dihasmos).

Ayant constitué un Consortium avec les sociétés Hersent, Schneider et la Régie générale des chemins de fer et des travaux publics, la Société des Batignolles revient aux affaires grecques en 1923, pour entreprendre les travaux d’aménagement du port du Pirée, après une adjudication très contestée. Le seul concurrent fut la société grecque « Athinaiki », filiale de la Banque d’Athènes, derrière laquelle se profilait la Banque de l’Union Parisienne – il s’agissait donc d’une compétition franco-française. L’homme qui a défendu les intérêts de Batignolles auprès des autorités grecques a été l’ingénieur-entrepreneur Antonios Matsas, auquel la SCB avait promis une commission de 0,5% sur les sommes encaissées. La convention, signée en octobre 1923 entre le Consortium et la Commission du Port du Pirée, prévoyait, entre autres, l’approfondissement du port à 8-10 m., la construction des quais et le prolongement d’une jetée sur 100 mètres. Pour l’exécution de ces travaux, le Consortium a fondé l’Entreprise des Travaux du Port du Pirée, dirigée par l’ingénieur George Chedal-Anglay (de Hersent). Les difficultés de l’opération provenaient, cette fois, de la présence des baraques des réfugiés de 1922 sur les quais et tout autour du chantier, que l’on n’a pas pu évacuer à temps. Avec quelques travaux supplémentaires dans le golfe de St George (Keratsini), commandés par les autorités du port en cours de route, les opérations ont pris fin en 1931, le coût total étant alors estimé à 330.000.000 drachmes.

Presque simultanément avec le lancement de l’affaire du port, en 1923, un autre projet, depuis longtemps discuté, était en train de se préparer, celui de l’adduction d’eau à Athènes (avec barrage et lac artificiel à Marathon). La SBC a été sollicitée par ses amis grecs pour y prendre part. Mais à la fin de l’année, elle s’est retirée de l’affaire, ayant compris alors que le Ministère des Transports grec était déjà en contact avec les Américains. C’est effectivement la compagnie Ulen & Co qui a obtenu la concession des travaux. La société des Batignolles a en revanche démontré un intérêt plus soutenu pour le projet de la reconstruction de la ville de Corinthe, détruite par le séisme de 1928, projet comprenant aussi la création d’une cité balnéaire à Loutraki. À la fin de 1928, la SBC se déclare prête à envoyer une mission en Grèce pour examiner le problème sur place, mais à condition que le gouvernement s’engage à lui confier l’ouvrage, condition rejetée. Les discussions ont traîné, et un an plus tard Batignolles retire son intérêt à l’affaire.

Par leur nombre désormais important (l’Ecole Polytechnique d’Athènes ayant été élevée au rang universitaire en 1914) et par leur expérience, acquise grâce aussi à leur collaboration avec les compagnies étrangères, dont la SBC, les ingénieurs grecs réclamaient haut et fort à cette époque leur place dans les travaux publics en Grèce. Et c'est ainsi que la reconstruction de Corinthe et les nouveaux travaux au port du Pirée ont effectivement été confiés aux ingénieurs grecs.

Siège social
Paris
Secteur d'activité
Activité en Grèce
chemins de fer, travaux portuaires
Date de fondation
1846

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