Ferdinand-Alexandre Taratte est né à Metz le 12 novembre 1835. Après des études au lycée de sa ville natale, il entre à l’École polytechnique en 1854, 11e de sa promotion, puis, bon élève, il intègre l’École des ponts et chaussées deux ans plus tard. Sa nouvelle scolarité terminée, le membre du corps des Ponts et Chaussées entame une carrière d’ingénieur d’État, qui l’amène successivement de Paris à Rochefort, Cherbourg, Grenoble, Compiègne et Blois. Chevalier de la Légion d’honneur depuis 1866, Taratte est promu ingénieur en chef en 1878, mais deux ans plus tard il quitte l’Administration. Les responsables de la Compagnie française pour le dessèchement et l’exploitation du lac Copaïs, entreprise formée à Paris en octobre 1880, cherchent alors un « homme de l’art » capable de concevoir et diriger sur place les travaux nécessaires pour transformer le lac en question – en fait un marais constitué par les eaux de plusieurs rivières – en terres fertiles, et offrent à Taratte la position de « directeur général des travaux ». Séduit par la perspective d’une opération exigeante, qui avait déjà mobilisé d’autres ingénieurs avant lui, Taratte relève le défi et s’installe en Grèce avec toute sa famille en janvier 1881.
Une fois sur place, l’ingénieur des Ponts et Chaussées ne chôme pas. Le 24 janvier 1881 déjà, il signe un rapport dans lequel il propose une modification à apporter à l’avant-projet, daté des années 1840, du polytechnicien et ingénieur du corps des Mines François-Clément Sauvage (1814-1872), qui avait été utilisé comme base technique pour la convention du 30 mai 1880 signée entre les concessionnaires et le gouvernement grec. S’appuyant sur les résultats du travail de « divers opérateurs très expérimentés » envoyés sur les lieux, Taratte propose de substituer « à l’évacuation par le tunnel du mont Ptoüs, le déversement des eaux du Copaïs dans les lacs Hylicus et Paralimni par les cols de Karditza et de Moriki » ; ces lacs seraient « alors transformés en réservoirs » d’eau pouvant être mise « à la disposition de la plaine de Thèbes pendant la saison sèche ».
Pour préparer les projets définitifs des travaux, Taratte travaille au sein d’un milieu particulièrement hostile. Le climat est rude, le lac avec ses eaux stagnantes une source de maladies, et, qui plus est, une partie de la société locale semble bien décidée à résister au projet gouvernemental de dessèchement. Le 4 septembre 1881, un Taratte inquiet écrit de Thèbes à l’administrateur délégué de la Compagnie à Athènes qu’il existe « dans le Copaïs » une « bande de malfaiteurs qui ont annoncé le projet de s’emparer de ma personne pour obtenir une forte rançon et entraver l’exécution des travaux ». Dans la même missive, le directeur général des travaux signale aussi des actes de vandalisme – l’arrachement par des locaux, suite aux incitations d’un certain Georgantas, de plusieurs bornes plantées. Il réclame alors l’envoi immédiat sur place « d’une troupe de cavalerie » pour « disperse[r] les vagabonds ».
Visiblement Taratte évitera la captivité et la Compagnie la rançon. Mais, alors qu’il est appelé à Paris pour exposer ses vues les plus récentes sur le projet de dessèchement, atteint d’une fluxion de poitrine, l’ingénieur des Ponts et Chaussées succombe le 26 février 1882, à peine quelques jours après son arrivée dans la capitale française.