Société des Mines de Seriphos et de Spiliazeza (au Laurium) S.A.
La Société des Mines de Seriphos et de Spiliazeza (SMSS), ainsi que la Compagnie Française des Mines du Laurium, ont joué un rôle-clé dans l’histoire de l’industrie minière de la Grèce. Fondée à Paris en 1880 au capital de 1.200.000 francs, la société dispose des concessions minières dans deux régions, l’île de Seriphos et Spiliazeza, à Lavreotiki. Elle est le fruit de la collaboration entre des banquiers grecs d’Istanbul et des capitalistes français, avec la participation de la Banque de Constantinople. Le banquier grec Andréas Syngros, personnage-clé de la fondation de la Société des Usines métallurgiques du Laurium en 1873, est le plus gros actionnaire, suivi par un autre banquier, le baron Emile Erlanger. Etienne Skouloudis, George Koronios, et les français Charles comte de Louvencourt, Amédée Outrey et autres, figurent parmi les fondateurs.
Parmi les hommes d’affaires, grecs et français, qui siègent en alternance au conseil d’administration de 1910 à 1943, on trouve Salomon Halfon, A. Demmler, Jules Hebert, Henri Marette, le comte de Camondo et Dimitri Zafiropulo aux postes du président et de l’administrateur délégué. En 1917, le représentant de la société en Grèce est l’entrepreneur Cléanthis Zannos (1850-1924), ancien employé de la Société Minière Hellénique, ayant des liens amicaux et familiaux avec les gérants locaux des mines de Seriphos, à savoir la famille Grohmann. L’ingénieur Spilios Agapitos (1877-1943) a succédé à Zannos en 1921-1942 ; depuis 1943 Constantin Sgoutas (1897-1983), ingénieur également, a pris le relais.
La SMSS achète la concession des riches gisements ferreux de Seriphos, ainsi que celle de Spiliazeza, de la Société Minière Hellénique par l’intermédiaire de Ioannis Vouros. Elle dispose donc d’une concession de 2.494 stremmes à Spiliazeza, exploitée en 1887-1890 par le sous-traitant Joseph Monin, qui a vendu 21.940 tonnes de minerais, notamment de fer manganésifère. En 1894-1903 la société, exploitant elle-même la mine, a vendu 126.200 tonnes de minerais. Les gisements de Spiliazeza ont été épuisés et la mine a été abandonnée au début du XXe siècle.
Cependant, l’activité principale de la SMSS se concentre sur les mines de Seriphos, dont l’exploitation est confiée en sous-traitance à partir du milieu des années 1880 à Karl Emil Grohmann (Löbau 1848 - Athénes 1904), ingénieur des mines allemand, diplômé de l’Académie des Mines de Freiberg, qui devient le gérant de l’entreprise sur les lieux (formellement, le directeur). Paternaliste et autoritaire à la fois à l’égard des mineurs, Grohmann parvient à augmenter considérablement la production minière au cours des deux dernières décennies du XIXe siècle : de 208.250 tonnes en 1880-1889, l'extraction des minerais de fer atteint 1.125.404 tonnes en 1890-1899. La période est alors propice à l'entreprise, avec la forte demande européenne. Les ventes de minerais de Seriphos effectuées par le SMSS passent de 31.146 tonnes en 1886 à 172.000 en 1910. Au total, et sur l’ensemble de la période 1880-1910, 2.990.740 tonnes de ces minerais de fer ont alimenté les usines européennes. Une importante infrastructure a été mise en place à cette époque pour l’extraction, le transport et le chargement des minerais sur les navires.
Entretemps, la SMSS a acheté en 1902 deux concessions supplémentaires à Seriphos (aux lieux-dits Vounies et Tsilipaki), acquises initialement par la Société Belge des Mines, et en 1910 elle prend en location les mines Avessalou et Kountouros, appartenant à la « Seriphos S.A. ».
En 1904, Georg Grohmann (Athènes 1875- Herford 1945), fils d’Emil ayant fait des études de minéralogie à Clausthal, devient directeur/sous-traitant de l’entreprise. Vers 1910, il est assisté dans ses fonctions par les ingénieurs Julius Sondinger et F. Prezanis, et un peu plus tard par Ioannis Synodinos. Les études à l’Académie des Mines de Freiberg (1906) de ce fils d’un sous-traitant de Seriphos avaient été financées par les Grohmann. Synodinos a d’abord travaillé aux mines de Grammatiko (1910-1912), pour devenir par la suite directeur des mines et exploitations de Georg Grohmann à Seriphos, Santorini etc. (1913-1928).
Vers la fin du XIXe siècle et jusqu’en 1905, environ 1.000 à 2.000 ouvriers travaillaient dans les mines de la SMSS. A partir de 1910, le chiffre d’affaires se réduit. La baisse de la production a été spectaculaire et par conséquent celle de la main d’oeuvre l’a été aussi. De 1906 à 1913, le nombre des ouvriers oscille entre 590 et 820, et diminue davantage au cours de l’entre-deux-guerres.
Sous le régime du paternalisme et de l’autoritarisme patronal des Grohman, les conditions du travail à Seriphos étaient mauvaises et les accidents de travail fréquents. En 1907, la société a mis en place une caisse mutuelle, contrôlée par la direction. À la veille de la Première Guerre Mondiale, les difficultés de l’entreprise et la pression sur les rémunérations exacerbent le malaise ouvrier. Créée au cours de l’été 1916, l’« Association des Ouvriers Mineurs de Seriphos » précise les revendications ouvrières portant sur les conditions du travail, la sécurité, les horaires et le contrôle de l’emploi et de la caisse mutuelle. Lorsque, en août 1916, les ouvriers déclenchent une grève et tentent d’empêcher le chargement d’un navire, un corps de la gendarmerie débarque sur l’île ; un violent affrontement s’ensuit entraînant la mort de quatre ouvriers et de deux officiers, ainsi qu'un certain nombre de blessés. De l’accord consacré bien plus tard entre la direction et les ouvriers, il ressort que ces derniers ont gagné une augmentation insignifiante de leur rémunération par rapport à l’inflation de l’époque, tout en étant obligés d’augmenter leur productivité.
La production des mines de Seriphos a rebondi au cours des années 1935-1940 sous la direction d’Emil G. Grohmann (Athènes 1906- Allemagne 1968), sous-traitant de la troisième génération, sans pour autant atteindre les niveaux de l’avant-guerre. Au temps de l’Occupation, les riches mines de Seriphos deviennent un enjeu de l’antagonisme entre les forces d’occupation allemandes et italiennes. Alors que l’île de Seriphos, comme toutes les Cyclades, se trouve dans la zone d’occupation italienne, les forces allemandes achètent la totalité des réserves minières de l’île par l’intermédiaire de Spilios Agapitos, représentant légal de la SMSS. Malgré les réactions des Italiens, les mines commencent à fonctionner au cours de l’été 1941 avec 240 ouvriers serphiotes et pour le compte des Allemands exclusivement. Emil Grohmann, alors officier de l’armée allemande, maintient la surveillance technique des travaux, tandis que l’alimentation des travailleurs est prise en charge par les Allemands. L’extraction des minerais de fer continue au moins jusqu’en novembre 1942. L’entreprise a même demandé un emprunt à la Banque Nationale de la Grèce en offrant en gage les minerais extraits.
À la fin de la Seconde Guerre Mondiale les Grohmann ont été expulsés de la Grèce en tant que collaborateurs. En 1951-1954, l’exploitation des mines de la SMSS à Seriphos a été confiée en sous-traitance à l’« Entreprise d’Extractions I. Léfès » et puis, de 1955/1957 à 1963, au « Groupe Méditerranéen de Commerce et d’Industrie », siégeant à Tanger et représenté en Grèce par le légiste et politicien Andréas Apostolodis. À cette époque, et sous la surveillance des ingénieurs des mines Stéphanos A. Exadaktylos et Antonis Z. Frangiskos, des améliorations importantes ont été apportées aux méthodes d’extraction, des voies routières ont été ouvertes pour l’acheminement des minerais par camion et le pont de déchargement à Koutalas a été équipé d’un convoyeur mécanique. La qualité du minerai a été améliorée par triage et criblage systématiques. Enfin, une usine d’enrichissement pour la production du concentré du minerai de fer a été installée à Koutalas. Mais le « Groupe Méditerranéen » a fait faillite en 1963. L’entreprise «Consortium Méditerranéen de Commerce et d’Industrie A. Stavridès et Cie S.A », qui lui a succédé, a expédié quelques chargements de minerais pour fusion à titre d’essai à l’aciérie de la « Chalivourgiki S.A.» (à Elefsina). Cependant, les mines de Seriphos ont fermé définitivement en 1965, suite à l’épuisement des gisements mais aussi, et surtout, à cause de la chute des cours des minerais sur le marché mondial.
À Seriphos, les installations créées pour les besoins des mines subsistent encore aujourd'hui, abandonnées et inutilisées : le manoir Grohmann et les bureaux de la direction, une église, une école, des maisons d'ouvriers à Megalo Livadi, des installations de collecte, de tri et de chargement du minerai à Megalo Livadi et à Koutalas. Les archives de l'entreprise ont été pillées.